Le désastre de la guerre 1914-1918

Extraits

 Invasion allemande dans les provinces de Namur et de Luxembourg

publié par
le Chanoine Jean SCHMITZ et Dom Norbert NIEUWLAND

Il a été tiré de cet ouvrage 25 exemplaires de luxe,portant la signature des auteurs. 

Ces exemplaires sont numérotés de I à XXV et sont hors commerce

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Page 28 (1° version)

Le meurtre de M. l'abbé Druet est l'un de ceux dont l'armée allemande a pris la pleine responsabilité. 
Acoz figure au n 19 sur la liste des 23 faits criminels notifiés officiellement par la Wilhclmstrasse aux 
diplomates accrédités dans les pays neutres ou alliés ("Direction du Contentieux et de la Justice Militaire; à Paris, 
dossier 762). Un rapport sur les actes d'hostilité commis par les prêtres et religieux, contre les troupes allemandes 
en "Belgique, document dont l'abbé Vandenbsrgh put prendre copie au Gouvernement Général de Bruxelles, en 
1915, portait ce qui suit : « Acoz, le 24 août, à 8 h. 3o du soir, le curé refusa de recevoir chez lui des voitures 
et des chevaux, qu'on voulait y remiser ; il avait pourtant des locaux très vastes. Après qu'on les eut remisé? 
ailleurs, on tira de partout sur les soldats. Ceux-ci pénétrèrent dans les maisons, et, entre autres, chez le curé. 
On le trouva caché avec deux compagnons au grenier. Sur les trois, on trouva des cartouches vides et remplies. 
Il fut exécuté. » Enfin, le Livre Blanc consacre aux événements d'Acoz quatre pages entières (p. 57 à 60, 
annexes 43, 44 et 45). L'imprécis des accusations et les contradictions qu'on y relève, suffisent à les démolir. 
Le lieutenant Huck, commandant du II e Pferdedepot, a vu M. le curé et assure qu'il lui a paru suspect ; il ne 
connaît les faits que par ouï-dire. Le rittmeister Liidke, chef de la 2 e section du train, relate l'incendie du 
village et l'arrestation de « trois francs-tireurs ». L'attaque des civils était, dit-il, concertée et s'est faite sur un 
signal donné. Il se vante d'avoir découvert, le lendemain, l'arsenal : deux caisses de dynamite, cent fusils et des 
cartouches ; sur chaque paquet, le nom du civil auquel les munitions étaient destinées. L'oberleutnar.t Muller 
et le lieutenant Schrôder, — ce dernier a interrogé les trois victimes, — relèvent qu'on a tiré avec des fusils de 
chasse et que le curé était porteur de la quittance d'un revolver anglais. 
 
Ainsi donc, aux yeux de ces guerriers grossiers et sauvages, le dépôt des armes prescrit par l'autorité et 
le reçu de dépôt font la preuve du crime, alors qu'ils devaient clairement établir l'innocence des accusés ! 
 
(2) Von Bulow, Mon "Rapport, etc., p. 62. 
 
(3) Von Bulow, Mon Rapport, etc., p. 63. 
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Page 30 (2° version)
 
N° 5i3. Le vénérable curé d'Acoz, M. l'abbé Eugène DRUET (fig. 11), 67 ans, a été tué près de Somzée, sur la route de 
Tarcienne, le 24 août au soir, avec Archange BOURBOUSE, d'Acoz, 27 ans et Ernest-Joseph BASTIN, de Montigny-sur-Sambre (1). 
Pour bien mettre en lumière les circonstances de leur fin tragique, reprenons les faits au 22 août. 
Au moment où la population d'Acoz, sur le conseil des Français, prenait la fuite, M. l'abbé Druet essaya d'abord d'enrayer 
la panique; quand il vit que ses efforts étaient inutiles, il bénit les groupes de fuyards qu'il rencontra, et revint au 
presbytère. 
Il y fut bientôt rejoint par trois de ses paroissiens : Ernest-Joseph Bastin,Archange Bourbeuse et son épouse; celle-ci 
venait d'être blessée d'une balle sur le chemin de Joncret. 
Une première bande d'Allemands envahirent la cure et se retirèrent sans faire de mal, après avoir accepté des vivres. 
A 22 heures, un officier vint quérir le prêtre et l'obligea à le conduire avec ses hommes à Joncret. 
Chemin faisant, on passa à côté d'un puits et le vieillard fut contraint, sous la menace répétée de 
coups de crosse, de tourner le lourd treuil, pour abreuver les chevaux. Au retour, il fut tellement bousculé par des troupes 
qui passaient qu'il crut prudent de retourner à Joncret; quand il y fut arrivé, l'officier qu'il venait de quitter accepta de 
l'accompagner jusqu'à la Croix-Michel, puis, à travers champs, il put regagner son presbytère. 
Le 23 août, M. le curé, qui était d'une conscience scrupuleuse, ne se crut pas autorisé à dire la messe, parce qu'il manquait 
d'enfant de chœur; il se borna à communier et à consommer les Saintes Espèces. La journée se passa sans incident. 
Le 24 août, les troupes d'attaque étant passées et tout étant redevenu calme, Archange Bourbouse exprima le désir d'aller à 
Joncret, pour voir ce qui se passait à la ferme de sa sœur; M. le curé l'accompagna. Il visita aussi l'ambulance de Gerpinnes. 
où il s'intéressa au sort des soldats français blessés, tout en remplissant auprès d'eux son ministère. 
A la soirée, la 2 e section du train et la 5 e colonne de munitions d'artillerie du X e corps entrèrent à Acoz. Ces troupes, 
qui devaient passer la nuit au village, pillèrent plusieurs maisons et bientôt des soldats ivres se mirent à tirer des coups 
de feu et à pousser d'effrayantes clameurs. M. le curé se trouvait à son bureau avec sa sœur : jetant un rapide coup d'œil 
au dehors, il vit des flammes s'élever de plusieurs côtés du village (2). Alors il dit à sa sœur : « Récitons le chapelet 
et demandons à Dieu qu'au moins notre église soit préservée! » Tout à coup, on entendit de violents coups de hache résonner 
contre la porte de l'avant-cour. Joséphine Bolle, parente de M. l'abbé Druet, sortit pour aller ouvrir : un soldat l'écarta 
d'un geste brusque et,se tournant vers IA. le curé, il lui demanda raison 
 
(1) L'enquête sur le meurtre du curé d'Acoz a été menée par Al. l'abbé Dubuisson, successeur de 
M. l'abbé Druet. 
 
(2) Quarante-sept maisons d'Acoz furent détruites. 
 
 
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d'une blessure qu'il avait à la main. Cependant la troupe s'était répandue dans la maison de cure et la fouillait. 
Intimidés par levacarme,Archange Bourbouse et Ernest-Joseph Bastin, qui déjà étaient au lit, montèrent au grenier et
s'y cachèrent, mais ils furent surpris etbientôt on entendit retentir dans les escaliers des hurlements où se mêlaient 
la joie et la fureur : les soudards tenaient deux coupables et les poussaient devant eux, en les brutalisant. 
Ils leurs lièrent les mains derrière le dos, ainsi qu'à M. le curé,qui fut emmené nu-tête, n'ayant aux pieds que 
des pantoufles de feutre. Sous les yeux des femmes éplorécs, les trois prisonniers s'en allèrent sans un geste, sans un adieu. 
Il leur était défendu de prononcer une parole, ou de tourner seulement la tête.
Un peu plus loin, le vénérable prêtre perdit sa frêle chaussure et ses bourreaux l'obligèrent à marcher nu-pieds. 
Joséphine Bolle songea alors à écrire une lettre au commandant installé à Gerpinnes. au château de M. de Bruges, pour le 
supplier de rendre la liberté aux prisonniers; elle chargea Joseph BOURBOUSE, 41 ans, frère d'Archange, de la porter en 
toute hâte. 
Le malheureux fut lui-même arrêté à Gerpinnes et fusillé. 
On ignore ce qu'il advint ensuite des trois prisonniers. Leurs cadavres furent retrouvés près de Somzée, sur la route 
de Tarcienne, et les deux laïques avaient les yeux bandés. 

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Suite à l'arrestation suivie de l'assassinat de Monsieur l'Abbé Eugène DRUET , curé de la paroisse depuis 1888, les troupes allemandes incendièrent le centre du village d'Acoz dans la soirée du 25 août 1914.

                                 Photo extraite de "La mémoire d'Acoz et Lausprelle" de Jacques FRANÇOIS                                   

On distingue au centre de la photo, l'ancienne Maison Communale où toutes les archives d'État civil et autre brûlèrent. Celles-ci furent partiellement recopiées par le greffier du Tribunal de Charleroi où une partie des doubles exemplaires avait été déposée.  Il y a pas mal de confusion sur la retranscription des patronymes et on ne retrouve hélas plus les signatures sur les documents.

Aujourd'hui, à l'Administration communale de Gerpinnes où toutes les archives ont été déposées suite à la fusion des communes, il ne reste pour Acoz ;

- aucune trace des actes de naissance avant 1806

- très peu d'actes de mariage avant 1811

- aucune trace des actes de décès avant 1824

Il est donc vivement conseillé aux généalogistes de se rendre aux Archives d'État de Mons afin de visionner les microfilms d'Acoz pour la période de 1797 à 1824.

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Le même endroit en août 2007

Photo de Geneviève LUSIAUX